La maternité adolescente est classée comme un problème de santé publique majeur par l’Organisation mondiale de la santé. À Haïti, comme bon nombre de pays en développement, - en dépit de l’instauration de nombreux programmes de planification familiale par les pouvoirs publics et les institutions internationales telles que le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (Unicef) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) -, les statistiques sur la maternité à l’adolescence demeurent très préoccupantes. Au regard du haut taux de fécondité adolescente (55 ‰), de ses conséquences (avortements, naissances prématurées, déscolarisation, problèmes sociaux et familiaux, stigmatisations, violences, entre autres) et de l’importante contribution des adolescent.e.s à la dynamique démographique du pays et de leur rôle en tant qu’acteurs du changement, cette thèse doctorale se donne pour objectifs d’examiner les facteurs associés à la maternité adolescente à Haïti et d’étudier le vécu de la grossesse adolescente par les femmes ayant connu une maternité à l’adolescence. Les données utilisées proviennent de deux sources complémentaires : les 5 enquêtes démographiques et de santé réalisées dans le pays entre 1994 et 2017, et une enquête qualitative que nous avons menée en 2020 à Haïti. Si la plupart des travaux portant sur la maternité adolescente se focalise que sur le groupe 15-19 ans, notre travail, quant à lui, a considéré l’ensemble des femmes âgées de 15 à 49 ans. Un tel choix a permis d’étudier l’aspect générationnel de ce phénomène à Haïti. Les résultats ont montré que les femmes haïtiennes en âge de procréer, plus particulièrement les adolescentes et les jeunes adultes, évoluent dans un environnement socioéconomique très vulnérable. Par ailleurs, les données indiquent que très peu de femmes âgées de 15 à 49 ans ont de bonne connaissance sur le cycle ovulatoire et sont exposées à des messages relatifs à la sexualité par le biais des médias. À souligner que cette faible proportion de femmes enquêtées ayant de bonne connaissance sur le cycle ovulatoire et exposées aux messages sur la sexualité est beaucoup plus importante chez les adolescentes que chez les femmes plus âgées. Les données mettent aussi au jour une non observance des normes traditionnelles en matière de sexualité à Haïti. Sous l’effet de la modernisation et de l’urbanisation, les normes de comportements sexuels sont en constante évolution. En effet, la proportion de femmes qui s’engagent dans des relations sexuelles à l’adolescence ne cesse d’augmenter. De plus, cette sexualité hors mariage est de plus en plus précoce et à haut risque, car la pratique contraceptive est très faible. En s’intéressant à l’âge à la première union et au nombre idéal d’enfants désirés, nous avons constaté que les femmes (quel que soit le groupe d’âge) souhaitent avoir moins d’enfants et entrent en union plus tardivement. L’adoption d’un tel comportement est grande partie influencée par le contexte socio-économique et la modernisation. Il a été observé que la proportion de mères adolescentes est restée stable entre 1994 et 2017, et que la maternité adolescente à Haïti est significativement liée à la précocité de la mise en union et des relations sexuelles, à un faible niveau d’instruction, à un souhait de fécondité élevé et à un facteur d’ordre générationnel (plus les femmes sont âgées, plus elles couraient de risques d’être mères adolescentes).
Teenage motherhood is classified as a major public health issue by the World Health Organization. In Haiti, like in most developing countries, - despite the establishment of numerous family planning programs by the public authorities and international institutions such as the United Nations Population Fund (UNFPA), the United Nations Fund United for Children (UNICEF) and the United States Agency for International Development (USAID) - statistics on teenage childbearing remain a serious concern. In view of the high adolescent fertility rate (55‰), its consequences (abortions, premature births, school dropout, social and family problems, stigmatization, violence, etc..) and the significant contribution of adolescents to demographic dynamics of the country and their role as actors of change, this doctoral thesis aims to examine the factors associated with teenage motherhood in Haiti and study the experience of teenage pregnancy by women who have experienced teenage motherhood. The data used come from two complementary sources: the 5 demographic and health surveys carried out in the country between 1994 and 2017, and a qualitative survey that we conducted in 2020 in Haiti. If most of the work on adolescent fertility focuses only on the 15-19 year old group, our work has considered all women aged 15 to 49. Such a choice made it possible to study the generational aspect of this phenomenon in Haiti. The results showed that Haitian women of childbearing age, especially adolescents and young adults, live in a very vulnerable socioeconomic environment. Furthermore, the data indicate that very few women aged 15 to 49 have good knowledge of the ovulatory cycle and are exposed to messages relating to sexuality through mass media. It should be noted that this low proportion of women surveyed with good knowledge of the ovulatory cycle and exposed to messages on sexuality is much higher among adolescent girls than among older women. The data also reveals a lack of observance of traditional norms regarding sexuality in Haiti. Under the effect of modernization and urbanization, norms of sexual behavior are constantly changing. Indeed, the proportion of teenage girls engaging in premarital sexual relations continues to increase. Moreover, sexual relations outside of marriage are increasingly precocious and high-risk, because contraceptive practice is very low. Looking at the age at first union and the ideal number of children desired, we found that women want to have fewer children and enter into union later. The adoption of such behavior is largely influenced by the socio-economic context and modernization. It has been observed that the proportion of adolescent mothers remained stable between 1994 and 2017, and that adolescent motherhood in Haiti is significantly linked to the precocity of union formation and sexual relations, to a low education level, to a high desire for fertility and a generational factor (the older the women, the more likely they were to be teenage mothers). Finally, the comments collected during the interviews carried out showed that teenage motherhood is increasingly perceived as a socially deviant act, due to the degrading economic evolution in Haiti and the sanitary conditions, and this is what explains largely the violence suffered by some adolescent girls from their parents/partners during their pregnancy. In addition, pregnant adolescents may be victims of stigmatization by those around them, religious authorities and health personnel.