Le présent mémoire porte sur la réception du rabòday, un style musical populaire reconnu pour ses propos obscènes et sexistes, par des femmes haïtiennes. À partir d’un cadre théorique combinant les approches des Cultural Studies et du féminisme intersectionnel, l’analyse fait ressortir les façons par lesquelles le genre et la classe sociale interviennent dans la réception de ce style musical par des femmes qui en sont fans. En suivant la démarche développée par Janice Radway (2000 [1984]), le mémoire présente, d’une part, une analyse de contenu de dix chansons rabòday et, d’autre part, une analyse de discours réalisée à partir d’une série d’entretiens semi-dirigés et de focus groups menés auprès de 21 femmes provenant des quartiers populaires de Port-au-Prince. Les résultats montrent que les stéréotypes, la violence et les inégalités de genre sont au cœur du rabòday. En revanche, le rabòday décrit une réalité sociale à laquelle s’identifient les jeunes femmes des classes défavorisées. Bien qu’elles soient conscientes de son caractère sexiste, voire misogyne, les participantes à l’étude estiment que le rabòday donne de la visibilité aux personnes qui, comme elles, vivent dans des conditions marquées par la précarité et l’insécurité. La réception du rabòday se comprend ainsi comme une « lecture négociée » (Hall, 1994 [1973]) chez ces femmes.
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