Cet entretien réalisé par écrit avec Yanick Lahens aborde les liens entre la littérature et l’histoire d’Haïti, ainsi que les spécificités des poésies et des romans écrits par des femmes. L’auteure développe d’abord comment les écrivaines haïtiennes, qu’elles soient en exil ou sur place, ont évoqué trois périodes de l’histoire d’Haïti : le tournant de 1803-1804 qui a mené à l’indépendance, la période de l’occupation américaine (1915-1934) puis la dictature des Duvalier. Elle note, entre autres, que la période de l’esclavage et de la colonisation est rarement abordée par les écrivaines haïtiennes. Ensuite, l’auteure explique que l’apparition de certaines figures féminines emblématiques dans ses propres romans naît d’une volonté de faire un clin d’œil aux jeunes femmes qui prennent le relais des femmes pionnières en matière de lutte en se mobilisant dans les rues et sur les réseaux sociaux contre la corruption et pour demander la reddition des comptes. Elle nomme également plusieurs auteures antillaises reconnues et souligne que la littérature en Haïti ne se fait pas seulement en français et en créole, mais aussi en anglais et en espagnol, témoignant des phénomènes migratoires qui nous amènent à repenser les questions de langue et de nation sous un nouveau jour. Finalement, elle reconnaît que les écrivaines haïtiennes contemporaines jouissent d’un certain statut, mais que le fait d’écrire pour une femme demeure une transgression car on s’attend à ce qu’elle demeure silencieuse et effacée. Selon elle, la littérature est féminine quand les écrivaines retournent vers l’effacement en écrivant seulement ce à quoi les autres s’attendent, mais la littérature est féministe quand la parole des écrivaines est libre. (Résumé par Mouka)
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