D'après les mères du monde rural d'Haïti, il existerait quatre grandes catégories de maladies: la maladie Bon Dieu, la maladie Diable, la maladie loa et la maladie naturelle. Lorsque leurs enfants sont malades, elles utilisent successivement ou tour à tour les moyens de la médécine moderne et ceux de la médecine créole, en adaptant leurs stratégies de soin au sens attribué à la maladie.
Pour comprendre comment ces femmes contruisent un lien entre une forme de médecine et une catégorie de maladie, l'auteur a dépassé le cadre limité de l'observation des pratiques de soin. Elle étudié la dure situation des femmes en milieu rural: les pratiques d'exclusion dont elles sont victimes, leurs rapport au travail et finalement la relation qu'elles entretiennent avec Dieux, les esprits et le Diable. Il en ressort que les pratiques de soin reflètent le cadre sociopolitique d'une longue histoire de domination. Elles prennent alors une autre dimension, qu'il est nécessaire de connaître lorsque l'on veut agir dans le champ de la santé en Haïti, et qui explique bien des comportements et bien des choix.
Le livre examine de façon incisive les liens étroits qui existent en Haïti entre le domaine symbolique de la maladie et de la religion et les rapports de pouvoir entre classes, entre couleurs, entre sexes. Ainsi l'auteur démonte la façon dont la médecine créole pérennise les rapports esclavagistes et coloniaux. En matière de santé, le développement souhaitable ne consiste pas seulement en apports techniques. Il doit avoir pour corollaire l'appropriation de la modernité et non sa capture par une médecine gérée par des élites dans une relation de pouvoir de type technocratique.
Une longue enquête de terrain sur les soins materno-infantiles aboutit ainsi à un regard d'ensemble sur la place dans un système social marqué par des contradictions entre l'enfermement dans l'histoire et les aspirations au développement.